La décision de fermer la bibliothèque universitaire La Pérouse (BLP) à Brest, annoncée par la présidence de l’université de Bretagne occidentale (UBO), est une illustration criante de la politique de désengagement de l’État en matière d’enseignement supérieur et de recherche. Ce choix, justifié par des raisons financières, révèle en réalité une faillite organisée et assumée, où les logiques comptables priment sur les besoins de la communauté universitaire et scientifique.
Une décision dictée par l’austérité budgétaire
Depuis plusieurs années, l’UBO subit les effets délétères du désengagement de l’État dans le financement des universités. La présidence de l’université justifie la fermeture par un déficit budgétaire réajusté à 5 millions d’euros pour 2025. La conclusion est sans appel : faute de moyens, une infrastructure essentielle disparaît. Cette justification est d’autant plus préoccupante que la BLP, spécialisée en sciences maritimes, aurait pu prétendre à un statut renforcé en raison de son rôle stratégique.
Le paradoxe est frappant : alors que 2025 est annoncée comme l’« année de la mer », l’université ferme un centre documentaire essentiel pour les chercheurs et étudiants de ce domaine. On voit ici l’illustration d’une politique à courte vue, où l’on préfère sacrifier un outil collectif plutôt que de défendre un investissement durable.
Un service essentiel balayé d’un revers de main
Les chiffres avancés pour justifier cette fermeture masquent mal la réalité du service rendu : en 2024, la BLP a accueilli 5 600 usagers et formé 400 étudiants. Cette bibliothèque, fruit d’un partenariat entre l’UBO, l’Ifremer et l’IRD, possédait un fonds documentaire de 37 000 ouvrages et 2 800 titres de revues, dont 70 % appartiennent à l’Ifremer. Malgré ces atouts, l’université choisit de « rationaliser » l’espace et de réaffecter les locaux à des bureaux et salles de coworking.
Mais une bibliothèque ne se résume pas à des mètres carrés. Elle est un lieu de transmission, de partage des savoirs et de construction de l’esprit critique. Ce choix de fermeture revient à nier la mission même de l’université.
Des conséquences lourdes pour les étudiants et les chercheurs
Le vice-président de l’UBO affirme que les étudiants pourront se rendre à la bibliothèque de l’École nationale d’ingénieurs de Brest (ENIB), située à dix minutes à pied. Cette solution est dérisoire : transférer une partie des collections et espérer que cela suffira à compenser la disparition de la BLP relève d’un mépris total pour les besoins des usagers et des personnels.
La fermeture de la BLP impacte directement les bibliothécaires, dont l’expertise en formation et accompagnement des chercheurs est cruciale. Les six salariés du service Information scientifique et technique de l’Ifremer vont être réaffectés, une décision qui met en péril l’accessibilité et l’exploitation du fonds documentaire.
Une politique destructrice des services publics
Ce cas est emblématique d’un phénomène plus large : le démantèlement progressif des services publics sous couvert de rentabilité. L’enseignement supérieur, déjà en souffrance, subit des coupes budgétaires qui remettent en question l’égalité d’accès à la connaissance. La BLP n’est pas un cas isolé, mais un symptôme d’une logique plus large où les bibliothèques universitaires sont sacrifiées sur l’autel de l’austérité.
Ce n’est pas seulement une bibliothèque qui ferme : c’est une porte qui se ferme sur l’avenir des étudiants et des chercheurs. Si rien n’est fait pour inverser cette tendance, ce sont les fondements mêmes de l’université qui seront mis en péril.

Sommaire du Convergences N° 305 - Mars 2025
- Édito du numéro 305 – Mars 2025
- En bref
- Coupables d’être malades !
- Un point sur le rapprochement CGT-FSU
- Défendre partout la formation continue des adultes, une mission de l’Éducation Nationale
- Face aux attaques, le supérieur s’organise !
- Le 25 février, une belle mobilisation pour le maintien des acquis sur l’ARTT à France éducation international
- Fermeture de la bibliothèque La Pérouse : un nouvel exemple de l’abandon des services publics par l’État
- Lu pour vous