C’est une véritable levée de boucliers qui a accueilli l’enquête sur l’antisémitisme dans l’ESR, commandée par le ministre P. Baptiste et mise en œuvre par le CEVIPOF et l’institut de sondage IFOP, sous la responsabilité de la Direction générale de la Recherche et de l’Innovation. Les présidences d’universités et des organismes de recherche (CNRS, etc.) ont reçu un courrier daté du 18 novembre contenant le lien de l’enquête et ont été invitées à le diffuser à tous leurs personnels (BIATSS et enseignant·es chercheur·es) et étudiant·es, la DGRI pointant la nécessité d’obtenir un nombre important de réponses. Mais dès le 20 novembre, France Université (l’association des président·es d’universités) a pris la décision de ne pas relayer le questionnaire comme demandé, en expliquant que si « les enquêtes sont indispensables pour combattre le plus efficacement possible l’antisémitisme et toutes les formes de haine et de discriminations. Elles doivent dès lors faire preuve de la plus grande rigueur méthodologique et juridique. »
Dans le même temps, les réactions syndicales, les associations disciplinaires et de défense des droits de l’homme, des personnalités scientifiques ont fait connaître leur opposition à ce questionnaire, et ont demandé son retrait par la DGRI.
Le problème ? D’après Nonna Mayer et Vincent Tiberj1, chercheur·es spécialistes de l’antisémitisme, le questionnaire pose des problèmes graves : « mélange de registres, imposition de problématiques (poser des questions que les sondés ne se posent pas ou ne comprennent pas), non prise en compte des sans réponses, questions pouvant être comprises de diverses manières », de nature à fausser et instrumentaliser les réponses.
Rajoutons à cela le caractère illégal du questionnement des agent·es de la fonction publique par leur autorité de tutelle sur leurs convictions politiques et religieuses, et l’absence de réelle garantie d’anonymat des répondant·es.
Malgré ces critiques quasi unanimes, le questionnaire a été diffusé auprès des personnels et étudiant·es des universités d’Artois, Bretagne-Sud, et du Havre et à l’INSA de Toulouse. Le 28 novembre, les syndicats de l’ESR de la FSU (SNESUP, SNASUB, SNCS) aux côtés de la LDH, entre autres, ont déposé un référé au Conseil d’État, demandant le retrait de l’enquête. Il a fallu attendre le 2 décembre pour que le lien soit désactivé, et soit remplacé par le commentaire laconique suivant « Il a été convenu de mettre un terme à l’enquête ».

