Si les deux désaveux parlementaires que représentent les censures ont été utiles dans le combat contre l’austérité, car ils ont chaque fois été catalysés par la maltraitance de la question sociale infligée par les politiques budgétaires, il faut tout de même remarquer que les gouvernements nommés en remplacement des démissionnés ont tous repris le travail laissé en plan par les précédents. Ceci suffit à montrer la nécessité qu’il y a à faire monter le rapport de force, par l’élargissement des mobilisations notamment, pour porter haut les exigences en matière de justice sociale et fiscale et inscrire celles-ci dans la durée du débat public.
En fin d’année dernière, le 13 décembre 2024, sur le perron de l’hôtel Matignon à Paris, se jouait un exercice particulier dans la traditionnelle cérémonie de passation de pouvoir entre Michel Barnier dont le projet de budget venait d’être censuré et le nouveau Premier ministre, François Bayrou. Ils se sont passés les travaux préparatoires et les éléments structurants du projet de budget… Ainsi, Bayrou Premier ministre a pu faire passer devant le Parlement un budget d’austérité duquel étaient retirées des mesures à la fois violentes et symboliques, compensées par d’autres, moins visibles… Ce fut le cas pour les 3 000 postes dans l’Éducation nationale ou les 3 jours de carence en cas d’arrêt maladie… L’orientation politique n’ayant pas changé, et promise à être socialement plus terrible encore, c’est la politique de préparation budgétaire pour 2026 qui aura finalement été censurée le mois dernier.
Le successeur de François Bayrou, Sébastien Lecornu, et son gouvernement fraîchement nommés le 5 octobre1, composés d’un casting à peu près identique aux gouvernements précédents, confirme qu’il a largement repris la copie budgétaire de son prédécesseur, quand bien même il ait distillé quelques annonces floues au motif de la rupture sur laquelle il est censé s’engager. En effet, il n’aura pas fallu 10 jours après la journée de forte mobilisation intersyndicale pour exiger davantage de justice sociale et fiscale, pour que le nouveau Premier ministre, encore à la tête du gouvernement démissionnaire précédent, se répande dans une interview au Parisien pour signifier son refus de taxer les ultrariches (taxe Zucman), de rétablir l’Impôt sur la Fortune ou même de « suspendre » la réforme des retraites… Bref, s’il voulait rassurer les marchés, les actionnaires, le MEDEF, etc. qu’il ne s’y prendrait pas autrement. En effet, ces deux annonces suffisent à conclure que c’est bien le cours austéritaire que Sébastien Lecornu veut confirmer…
Dès lors, il est facile de comprendre qu’à son tour, c’est d’abord et avant tout une passe du budget qui lui a été faite dans la passation de pouvoir le 10 septembre dernier. Ceci révèle que malgré l’expression majoritaire du pays au travers de puissants mouvements sociaux, l’entêtement austéritaire de l’exécutif enfonce le pays dans une crise politique majeure, car il n’est pas question pour lui de lâcher un quelconque gage sérieux de justice sociale et fiscale, pas question d’engager une quelconque amélioration de la redistribution des richesses. Dès lors, la question de la dette apparaît pour ce qu’elle est : un épouvantail, un prétexte, une diversion… Son dérapage est surdramatisé pour justifier les nouveaux mauvais coups sociaux, alors que la situation appelle une augmentation important des recettes fiscales.
S’il fallait développer une métaphore sportive, il faudrait reprendre le budget en défense, le faire rouler dans un mouvement de contre-attaque qui s’arrêterait jusque dans les buts de l’adversaire… À chaque but marqué, ce serait autant d’avancée sociale et fiscale : taxation des ultrariches pour financer de meilleurs services publics assurés par des personnels aux carrières revalorisées et à la rémunération augmentées, redistribution vers le monde du travail d’une grande part des dividendes records versés aux actionnaires, par exemple sous forme de cotisations patronales sur les salaires pour financer la retraite à 60 ans, etc.
Bref, ceci illustre pourquoi le SNASUB-FSU défend la nécessité d’élever le rapport de force, de ne pas abdiquer de la confrontation sociale à mener à la hauteur de l’entêtement gouvernemental, de défendre des politiques fiscales justes et de combattre toutes les forces dénonçant l’impôt et la justice fiscale, car celles-ci ne servent que les intérêts des possédants contre le plus grand nombre.
Dans nos filières administratives, techniques et de bibliothèques, la cohérence revendicative et d’action du SNASUB-FSU est une richesse syndicale de première importance dans cette situation.
- Article rédigé le 3 octobre 2025, avant la démission du Premier ministre Lecornu au matin du 6 octobre ↩︎