Après l’informatisation des années 1980 et le tournant numérique des années 2000, les bibliothèques vivent une troisième révolution : celle de l’intelligence artificielle générative. Mais cette mutation technologique s’impose sans évolution statutaire ni revalorisation salariale. Une contradiction devenue insoutenable.
Les missions se complexifient : le bibliothécaire devient tantôt data scientist, tantôt médiateur numérique, parfois accompagnant social ou community manager. À cela s’ajoute la transformation de nos bibliothèques en tiers-lieux, espaces hybrides de sociabilité, de coworking et de médiation culturelle. Or ces évolutions s’imposent dans un cadre budgétaire contraint et sur des statuts inchangés, voire dégradés.
La précarisation gagne du terrain. En dix ans, la filière a perdu 153 postes, dont 101 rien qu’entre 2022 et 2023. Le corps des magasiniers — catégorie C — est le plus touché : -237 agents en dix ans, -73 en une seule année. Dans le même temps, les recrutements se font de plus en plus en contrat à durée déterminée, et l’on confie à des agents de catégories inférieures des missions d’un niveau supérieur, sans reconnaissance statutaire. Un BIBAS pour faire le travail d’un bibliothécaire, un bibliothécaire pour pallier l’absence de conservateur : telle est la réalité quotidienne de nos établissements.
Le pouvoir d’achat, quant à lui, s’effondre. Comment vivre à Paris avec un salaire de catégorie C ou B, alors que les postes se concentrent majoritairement en région parisienne ? Le résultat est sans appel : explosion des détachements sortants, désaffection des concours, départs massifs, essoufflement professionnel. Nous constatons aujourd’hui une inversion dramatique entre la hauteur des compétences exigées et la faiblesse des perspectives de carrière.
Et pourtant, une voie existe : celle du repyramidage
Et pourtant, des solutions existent. Le repyramidage est sur la table depuis des années. Son coût est maîtrisé : 30 promotions annuelles (C→B ou B→A) représentent 300 000 €, soit moins d’un million sur trois ans. Une goutte d’eau dans les budgets consolidés, d’autant que la LPR finance cette masse salariale de manière récurrente. L’obstacle n’est pas budgétaire. Il est politique.
Le SNASUB-FSU l’affirme : l’argument budgétaire ne tient pas. Ce qui manque, c’est la volonté politique doublée d’une orthodoxie idéologique ultralibérale.
Pendant que les établissements investissent dans l’IA, les automates et les plateformes, ils refusent d’investir dans les femmes et les hommes qui assurent la médiation, l’inclusion, la documentation. Nous refusons que cette révolution technologique soit une arme de rationalisation de plus, justifiant suppressions de postes et surcharge de travail.
Nous portons des revendications claires :
- Un repyramidage immédiat pour redonner de la lisibilité et des perspectives à la filière ;
- Une revalorisation salariale intégrant les nouvelles compétences exigées ;
- Des créations de postes statutaires, pour faire face à l’élargissement des missions ;
- Un droit effectif à la formation continue pour toutes et tous ;
- Une politique RH cohérente, sans extension des horaires ni missions nouvelles sans moyens.
Nos bibliothèques sont prêtes pour l’avenir. Mais elles ne le seront que si leurs personnels sont respectés, reconnus, revalorisés. Sans cela, ce ne sera pas une révolution, mais une lente agonie. Ce que nous demandons n’est pas un privilège, mais la simple reconnaissance de notre rôle et de nos efforts.
Le SNASUB-FSU le dit haut et fort : pas d’IA sans intelligence humaine reconnue. Pas de tiers-lieu sans tiers statutaires.
Il est temps d’ouvrir les yeux… et les budgets. À défaut, ce n’est pas l’innovation que nous connaîtrons. C’est l’abandon.
Le SNASUB-FSU sera là. Avec vous. Pour vous. Pour la filière
Sommaire du Convergences N° 307 — Mai 2025
- Édito du numéro 307 – Mai 2025
- En bref
- La politique de rémunération de l’État sous le joug de l’austérité
- Les ministères chargés de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports souhaitent accentuer leur politique RH de proximité
- L’intelligence artificielle et ses enjeux dans les champs de notre action syndicale
- Accord-cadre ministériel relatif à la mise en œuvre du télétravail à l’éducation nationale… Ça bloque pour les personnels exerçant en EPLE ! Inacceptable !
- Le SNASUB-FSU auditionné par l’IGESR le 14 avril 2025 : quel avenir pour les secrétaires généraux d’EPLE ?
- Pour la défense des opérateurs de l’éducation nationale : CANOPE, CEREQ, CNED, FEI, ONISEP
- Le projet ministériel d’un nouveau service départemental en santé scolaire
- Mobilisation devant le rectorat de Toulouse le 5 mai
- Filière bibliothèques : troisième révolution, derniers sacrifiés ?
- Cibler les retraités plutôt que les riches